Projet de loi sur le logement : que contient le texte présenté aujourd'hui en Conseil des ministres ?

Article rédigé par Paolo Philippe
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Un immeuble HLM à Paris, le 12 avril 2024. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS / AFP)
Parmi les points emblématiques de cette réforme figure le durcissement des règles pour les locataires de logements sociaux dont les revenus dépassent les plafonds. Une mesure décriée par la gauche et les bailleurs sociaux.

Quelques mois après la nomination à Matignon de Gabriel Attal, qui a fait du logement l'une des "priorités" de son gouvernement, le projet de loi "relatif au développement de l'offre de logements abordables" est présenté vendredi 3 mai en Conseil des ministres. Le texte, porté par le ministre délégué au Logement, Guillaume Kasbarian, vise à apporter les premières réponses à la crise traversée par le secteur, avec une réforme en profondeur du logement social, où vivent 10 millions de personnes en France.

Le texte, consulté par franceinfo, prévoit notamment d'intégrer les logements intermédiaires dans le calcul des quotas de logements sociaux pour les communes et de durcir les règles pour les locataires les plus aisés. Des mesures dénoncées par la gauche et les principales associations de locataires de logements sociaux, qui évoquent "un projet de loi qui fait la chasse aux pauvres". Franceinfo vous résume les principales mesures de ce texte.

Intégrer les logements intermédiaires dans la loi SRU sur les logements sociaux

Le premier des quatorze articles du projet de loi est consacré à la loi solidarité et renouvellement urbain, dite loi SRU, qui impose depuis 2000 aux communes en zone urbaine un quota de 20 à 25% de logements sociaux. Comme promis par Gabriel Attal lors de son discours de politique générale, le 30 janvier, le gouvernement veut intégrer les logements intermédiaires dans le calcul de ce quota, qui reste en vigueur. Pour rappel, un logement social est conditionné à certaines ressources et son loyer ne peut dépasser un certain montant par mètre carré. Il en existe deux grandes catégories. D'un côté, les PLAI, pour les personnes en grande précarité, et les PLUS, qu'on appelle aussi HLM. De l'autre, les PLS et les PLI (ou "logements intermédiaires"), destinés aux ménages qui gagnent trop pour prétendre aux HLM, mais pas assez pour se loger dans le privé.

Alors que les communes actuellement en retard dans la production de logements HLM – les objectifs sont définis tous les trois ans – peuvent être punies par des amendes, le texte autorise les communes dites "carencées" à "réaliser jusqu'au quart de leur objectif de rattrapage triennal par la réalisation de logements locatifs intermédiaires". Cette nouvelle règle ne concernerait que les communes ayant moins de dix points de retard sur leur objectif de logements sociaux. Au 1er janvier 2022, 1 163 communes ne respectaient pas leurs obligations sur les 2 157 soumises à la loi SRU.

Donner plus de pouvoir aux maires, notamment pour attribuer les logements sociaux neufs

La réforme doit aussi donner plus de latitude aux maires de villes respectant la loi SRU dans l'attribution des logements sociaux, alors que le nombre de ménages en attente a atteint 2,6 millions en 2023. Le texte prévoit ainsi "que le maire dispose, pour les premières attributions, du pouvoir de classer les différentes candidatures proposées". L'édile pourrait également avoir un droit de veto.

Pour les cinq principales associations de locataires de logements sociaux (Afoc, CGL, CLCV, CNL, CSF), cette proposition de renforcer les prérogatives des maires "ouvre la porte aux pires dérives". Elles évoquent, dans un communiqué, des risques de "clientélisme électoral, favoritisme selon les opinions politiques, voire préférence nationale dans certaines communes".

Le gouvernement souhaite aussi donner "des outils nouveaux" aux maires, notamment "pour maîtriser le foncier et réguler l’inflation foncière". Il compte par exemple élargir leur droit de préemption sous certaines conditions (prix excessif, secteur précis, etc.) et avec l'obligation de rétrocéder le terrain ou le bâtiment à des acteurs du logement dans un délai de cinq ans.

Durcir les règles pour les locataires dont les revenus dépassent les plafonds

L'autre mesure phare de ce projet de loi vise à durcir les règles pour certains locataires de HLM. Le gouvernement entend abaisser les seuils à partir desquels les locataires doivent payer un supplément de loyer. Alors que les ménages bénéficient actuellement d'une marge de 20% par rapport aux plafonds correspondant à leur catégorie de logement social, le texte veut supprimer cette marge et appliquer un surloyer dès que leurs ressources dépasseront les plafonds, et ce, dès le premier euro supplémentaire. Cela pourrait concerner "131 000 ménages supplémentaires", estime le ministère du Travail.

"Et si le plafond est dépassé de 20% pendant deux années de suite, le bailleur résiliera le bail automatiquement [avec un délai de prévenance de 18 mois]", a annoncé le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, dans une interview au Parisien publiée jeudi soir. Les personnes habitant en zone de revitalisation rurale (ZRR) ou dans une zone classée quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), qui n'étaient pas concernées par ce surloyer, en seront toujours exemptes.

L'exécutif veut ainsi abaisser également le seuil de ressources au-dessus duquel les locataires le plus aisés seront expulsés. Les locataires qui dépassent de 20% les plafonds seront donc expulsables à l'issue d'un délai de dix-huit mois, alors que le seuil est fixé à 50% actuellement. Cette mesure est largement dénoncée par les bailleurs sociaux et les élus de gauche.

Les bailleurs sociaux pourraient par ailleurs mettre fin au bail de locataires qui sont propriétaires d'un logement qui correspond à leurs besoins ou qui peut leur apporter des revenus leur permettant de se loger dans le privé. Le gouvernement ne dispose pas du nombre de ménages potentiellement concernés. Cela ne concernera pas en tout cas les personnes de plus de 65 ans ou en situation de handicap, ni celles qui vivent dans des QPV.

Construire plus, et plus vite

L'un des objectifs de ce texte est de "produire plus". Le projet de loi s'inscrit dans la suite des annonces de Gabriel Attal, qui avait promis fin janvier un "choc d'offre". Il veut notamment "réduire les délais de recours" de deux tiers pour les demandes d'autorisation d'urbanisme et les permis de construire, ou encore favoriser la densification pavillonnaire en assouplissant les règles liées à la constructibilité des lotissements. La transformation de zones commerciales en logements figure aussi parmi les objectifs du texte.

Pour construire plus, le gouvernement souhaite "faciliter la construction, l'acquisition, l'amélioration et la gestion directe de logements locatifs intermédiaires par les bailleurs sociaux". Objectif : doubler les capacités de production de logements intermédiaires de ces organismes. Le gouvernement veut aussi permettre aux bailleurs sociaux "de réviser les loyers à la relocation" mais aussi de "diversifier leurs ressources en investissant dans des activités de copromotion immobilière ou des activités commerciales". Enfin, le gouvernement envisage d'améliorer et de faciliter l'accès au logement social pour les travailleurs dans les zones en forte tension.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.